So you think you're safe? Part 3

Et donc vous pensez être en sécurité? Partie 3

Le vitrage utilisé comme pare-fumée

Wow! Encore une semaine assez intense. Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, entre la formation donnée à l'ÉTS sur les murs vitrés agissant comme garde-corps et les mandats d'ingénierie, ça a été une semaine plutôt chargée! Il faut mentionner que j'habite dans la région de Québec, donc voyager à Montréal complique un peu les choses. Heureusement, comme je voyage désormais en train, je peux travailler pendant les déplacements.

Malgré cet emploi du temps chargé j’ai pu trouver du temps pour rédiger un autre article qui devrait vous intéresser. Il faut dire qu'avec une norme canadienne pour le calcul du verre (CAN/CGSB-12.20-M89) qui a été rédigée en 1989 et jamais révisée depuis, il n'est pas toujours évident de concevoir des éléments en verre de façon sécuritaire. Il est souvent nécessaire de se référer à des normes d'ailleurs. C’est ce que nous faisons actuellement au sein du comité responsable de la mise à jour de la norme 12.20. Nous regardons les normes américaines et européennes sur lesquelles nous nous baserons pour la refonte de la norme canadienne qui devrait être publiée d'ici 2 à 3 ans.

Aujourd'hui, je veux vous parler d'une erreur que l'on retrouve parfois dans certains devis. Il s'agit de l'épaisseur du vitrage utilisé comme pare-fumée. En fait, l'erreur ne vient pas des devis, mais plutôt de certains fournisseurs de quincaillerie qui ont développé des sabots de pare-fumée pour des verres épais... très épais en fait. Quand je parle de sabot, je parle de l'épaisse extrusion d'aluminium en « U » qui est utilisée pour relier le verre à la structure. En fait, de nombreux sabots sont conçus pour du verre de 12 mm d’épaisseur.

Pour commencer, il convient de clarifier quelque chose concernant le verre de sécurité. On croit à tort que le verre trempé se brise en milliers de petits morceaux lorsqu'il éclate, mais en fait, ils formeront plutôt des morceaux de verre fissuré ("glass clumps") qui vont éclater lorsqu'ils heurteront un objet (fragmentation), généralement le sol ou si on est moins chanceux, une personne. Il y a eu des cas de blessures causées par des rampes de garde-corps en Ontario (chute de verre sur un passant depuis un garde-corps de balcon). Voir la figure 2.7 et le texte en jaune :

Regardez également l'image suivante où une partie d'un verre trempé est toujours accrochée à un garde-corps. Cela démontre clairement que même le verre trempé brisé peut rester aggloméré et tomber en gros morceaux :

Cette image est tirée du document produit par le comité responsable d'analyser les bris de verre des garde-corps en Ontario. C'est cette étude qui a donné naissance au supplément SB-13 et à la norme CSA A500 pour les garde-corps… nous en reparlerons un peu plus loin.

Un autre problème du verre trempé est le fait que la contrainte de surface exigée par la norme ASTM C1048 n'est pas assez élevée (69 MPa). Pour ceux qui connaissent moins, cette contrainte de surface c'est la compression que l’on retrouve à la surface du verre trempé et qui lui confère sa résistance supplémentaire.

Par définition, un verre trempé « de sécurité » devrait se briser en milliers de petits morceaux non coupants, mais en réalité, la norme qui régit le verre de sécurité au Canada (CAN/CGSB-12.1-2017) autorise des morceaux de verre jusqu'à 4 pouces (100 mm) de longueur.

En revanche, selon une étude présentée lors du Glass Performance Day 2009, on pourrait parfois se retrouver avec des fragments encore plus gros. Ci-dessous, on peut voir la taille des morceaux de verre « trempé » de 4 mm d’épaisseur. La contrainte est en théorie « conforme », soit 72 MPa :

Le carré noir mesure 50 x 50 mm. On voit donc que le morceau de verre dans lequel se trouve le carré mesure environ 180mm de long. On peut également observer que ce morceau est très pointu dans sa partie basse. D'après cette même étude, voici la taille des particules que l'on peut retrouver dans le verre trempé en fonction de la contrainte de surface:

Il faudrait certes plus de tests pour tirer des conclusions précises, mais cela reste inquiétant quand on regarde la taille des fragments à gauche sur l'axe vertical. Certains tests donnent des fragments de plus de 300mm… pour des contraintes de surface supérieures à 90 MPa.

Rappelons que la norme américaine (ASTM C1048) qui est également utilisée par les fabricants de verre canadiens recommande 69 MPa comme contrainte de surface minimale. Il est à noter que la plupart des fabricants de verre appliqueront un traitement thermique selon des paramètres permettant que la contrainte de surface soit nettement supérieure à 69 MPa, mais on constate tout de même certaines lacunes dans les normes.

Pour les sceptiques, je précise que dans le cadre du comité technique vitrage pour la mise à jour du Guide du Mur-Rideau, un membre de l'équipe travaillant pour un fournisseur de verre a fait un test pour valider la dimension des fragments de verre avec une contrainte de surface d'environ 69 MPa et il a obtenu des résultats similaires à ce que nous avons trouvé ci-dessus pour du verre de 4 mm avec 72 MPa.

Pour ce qui est du graphique ci-dessus, il manque les données pour les contraintes de surface inférieures à 90 MPa, car du côté européen les contraintes de surface sont généralement plus élevées, mais on voit que selon les normes d'ici on peut se retrouver avec des morceaux de verre assez grands. En fait, cela dépend de la façon dont le fournisseur de verre fait son contrôle qualité, car il devrait normalement détecter cette anomalie et corriger les paramètres puisque la norme sur le verre de sécurité (CAN/CGSB-12.1) n'autorise pas les fragments de verre de plus de 100 mm (4 po).

D’autre part, les fabricants de verre doivent faire attention à la taille des échantillons utilisés pour le contrôle qualité. Plus l’échantillon est petit, plus les morceaux de verre seront petits. Ainsi, si le contrôle qualité est effectué sur de très petits échantillons, il est possible que la dimension des fragments soit conforme, mais en réalité, cela ne garantit pas nécessairement que ce soit le cas si les vitrages produits sont de très grandes dimensions, car la taille des fragments varie selon la taille du verre:

Ci-dessus, nous pouvons voir que les petits échantillons donneront des fragments environ 2 fois plus petits que les plus gros échantillons.

Lorsque les vitrages se retrouvent au-dessus de la tête des gens pour des applications telles que les pare-fumée, je pense que ces informations deviennent encore plus pertinentes.

Sinon, en termes de bris spontanés, le risque est assez faible pour les pare-fumée car ils sont à l'intérieur et le gain thermique est généralement faible... à valider en fonction de la présence de murs rideaux, fenêtres et lanterneaux.

En revanche, le risque de bris spontané varie avec le poids du verre… ça marche à la tonne de verre produite, donc un verre de même taille, mais plus épais, sera plus à risque. Il faut également mentionner qu'il existe d'autres causes possibles de bris... du verre ayant été accroché avant la pose et qui se brise sous faible contrainte par la suite, du verre trop serré (problème de tolérance au niveau des trous) et qui se brise suite au mouvement de la structure , etc.

Dans un autre ordre d'idées, l'Ontario a adopté le supplément SB-13 pour les garde-corps. Cela fait suite aux nombreux garde-corps en verre tombés des balcons de condos en Ontario vers 2010. Ce document concerne les garde-corps, mais il vise surtout une chose, protéger les personnes en-dessous des morceaux de verre qui pourraient tomber d'un garde-corps en cas de bris.

Selon ce document, les garde-corps en verre qui n'ont pas été traités avec un « heat soak test » peuvent être installés s'ils sont situés à plus de 150 mm du bord de la dalle (vers l'intérieur). De cette façon le verre va se fragmenter sur les 150mm de dalle devant puis tomber en mille morceaux au sol. En revanche, si du verre trempé n'ayant pas été traité avec un « heat soak test » est utilisé, il doit avoir une épaisseur de 6 mm maximum... moins de risque de bris spontané et moins de masse de verre, donc moins de risque de blessure pour les personnes en dessous dans le processus.

Pour ceux qui le connaissent moins, le traitement "heat soak" est un traitement thermique secondaire par lequel le verre est chauffé pendant un certain temps après la trempe. L’objectif est que les inclusions de sulfure de nickel se dilatent et fassent éclater le verre avant sa livraison et son installation. Le risque n’est pas totalement éliminé, mais considérablement réduit.

Voici un extrait du supplément SB-13 :

Dans le même ordre d’idée, selon le document intitulé « Guidance for European Structural Design of Glass Components », il est fait mention d’une norme concernant les toits de verre. Il s'agit d'une norme britannique, la BS 5516. Selon cette norme, au Royaume-Uni, il serait possible de réaliser un toit en verre monolithique trempé si cette verrière se trouve à moins de 5m du sol. Sinon, entre 5 à 13 m, le verre trempé monolithique est autorisé, mais seulement si son épaisseur est inférieure ou égale à 6 mm et sa surface inférieure à 3 mètres carrés. Ensuite, si la hauteur de chute est supérieure à 13 m, du verre feuilleté est requis. Je ne peux toutefois pas confirmer si cette norme s’applique aux bâtiments résidentiels ou commerciaux ou aux deux.

Ces recommandations vont dans le même sens que le supplément SB-13 de l'Ontario puisque dans les deux cas on parle d'un verre d'une épaisseur de 6mm ou moins. La différence réside dans les hauteurs, car le supplément SB-13 ne précise pas les hauteurs. Par contre, la norme CSA A500-16 pour les garde-corps mentionne que le tableau de la SB-13 doit être appliqué à partir d'une hauteur de chute de 4,2 m.

Voici un extrait du document britannique :

Conclusion

Nous avons discuté du fait que le verre trempé a tendance à rester aggloméré ("glass clumps"), du fait que les fragments de verre trempé peuvent être plus gros qu'on ne le pense... la norme pour le verre de sécurité qui autorise jusqu'à 100 mm de longueur pour les fragments et la norme ASTM C1048. qui préconise une contrainte de surface trop faible pouvant conduire à des fragments encore plus gros. Il a été discuté que la taille des fragments de verre peut être influencée par la taille de la pièce de verre. Le petit verre trempé aura tendance à se briser en fragments plus petits et le grand verre trempé aura tendance à se briser en fragments plus gros.

Nous avons également discuté du supplément SB-13 de l'Ontario pour les garde-corps qui autorise uniquement un verre trempé de 6 mm (max.) lorsque le garde-corps est en retrait de 150 mm du bord de la dalle. Et enfin, nous avons parlé de la norme britannique qui autorise l'utilisation de verre trempé monolithique de 6 mm lorsqu'il est positionné à moins de 13 m du sol si la surface est inférieure à 3 mètres carrés.

Il apparaît donc clair qu’il convient d’éviter l’utilisation de verre épais pour un pare-fumée.

En attendant la refonte de la norme canadienne pour le calcul du verre, voici quelques solutions possibles liées aux discussions ci-dessus :

Possibilité de chute inférieure à 4,2 m : Verre trempé 6 ou 8 mm**

Possibilité de chute de 4,2 à 13 m : verre trempé 6 mm**

Possibilité de chute à plus de 13m : verre laminé (feuilleté)

**Pour le verre trempé (non feuilleté), limitez la taille à 3 mètres carrés ou moins

Veuillez noter que ces informations sont à titre indicatif seulement puisque chaque projet doit être vérifié par un ingénieur qualifié afin d'évaluer les risques spécifiques à chaque projet.

Il faut cependant faire attention à la hauteur du verre lui-même. À ma connaissance, aucune charge n'est spécifiée dans les codes et normes canadiens pour les vitrages agissant comme pare-fumée. Par contre, les documents d'ingénierie de CR Laurence recommandent de considérer une charge de 50 livres sur une surface de 305 x 305 mm ou une charge répartie de 5 livres par pied carré. Ce qui est logique pour l’entretien des verres, car la personne qui va les nettoyer va certainement exercer une pression dessus. Il faut donc s'assurer que les vitrages sont capables de résister à ce type d'effort en fonction de la hauteur et du mode d'ancrage.

En espérant que vous avez apprécié!

Bravo à ceux qui se sont rendus jusqu'au bout!

© Les Solutions de Verre et Mur-rideau inc., 2023. Tous droits réservés. Toute reproduction non autorisée de cet article ou de son contenu est interdite. Cet article repose sur notre interprétation des codes et normes. Cet article et son contenu ne constituent pas une opinion professionnelle et n’est dispensée qu’à des fins d’information. Il s’agit d’un aperçu qui ne couvre pas nécessairement tous les aspects techniques et/ou cas spéciaux. LSVM, MCi VSA ou l’auteur de l'article ne pourront être tenus responsables des décisions prises en lien avec cet article. La réutilisation de cet article ou de son contenu à des fins professionnelles, incluant à des fins d’ingénierie est interdite. À noter que chaque projet comporte des conditions particulières et doit être validé par un ingénieur. À noter aussi que ceci est valide pour tous les articles publiés précédemment et ultérieurement.
Retour au blog